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L'incendie de la cathédrale

Alain Delaval

L’incendie de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes

par Alain Delaval

 L’incendie du 18 juillet 2020 s’est déclaré tôt le matin ; le feu a pris à l’intérieur de la cathédrale, en trois lieux différents : sur la tribune du grand orgue, sur le plateau de l’orgue de chœur, et auprès du tombeau de François II et de Marguerite de Foix. Malgré l’intervention rapide des sapeurs-pompiers, l’incendie a embrasé le grand orgue, qui était entièrement en feu à 9 heures. Le brasier s’est étendu sur toute la hauteur du revers de la façade occidentale de la cathédrale ; la chaleur a fait fondre les armatures des vitraux et provoqué l’éclatement de l’ensemble de la verrière. Le deuxième feu a détruit la console de clavier de l’orgue du chœur dont le buffet n’a pas été touché, mais la cathèdre épiscopale et les stalles du chœur qui étaient voisines de cet orgue ont été détruites sur deux travées. Le troisième feu s’est produit sur l’armoire électrique placée dans le croisillon sud du transept, contre le mur ouest. Le tableau de Saint Clair guérissant les aveugles, par Hippolyte Flandrin, qui était accroché au dessus de cette armoire, a été complètement détruit.

 Les dégâts subis par la cathédrale elle-même se sont principalement limités à la façade occidentale, à la tribune de l’orgue formant porche édifiée en 1619-1620 et aux piliers et arcades de la structure proches des éléments incendiés. La tribune, qui a supporté la chute du grand orgue en flammes lors de son effondrement, ne s’est pas écroulée mais présente des fragilités dues peut-être aussi à l’échauffement excessif subi par sa maçonnerie. La façade occidentale, dans sa partie supérieure au dessus du portail et de la tribune de l’orgue a subi des dégâts importants et préoccupants ; au niveau de la plate-forme de la tribune, le triplet de triforium a partiellement éclaté sous l’effet de la chaleur, ce qui cause une grave incertitude sur la stabilité de l’ensemble de la grande fenêtre qui repose sur cet étage de la façade, partiellement vide au niveau de ce triforium dédoublé ; la structure de la grande fenêtre est elle-même très altérée et la rupture de certains meneaux présentant des éclatements et des fissures n’est pas exclue.

 Le vitrail de la grande fenêtre est entièrement détruit ; les fragments de vitraux recueillis sur plusieurs dizaines de mètres alentour ne sont que des morceaux de faibles dimensions et probablement en grande partie fondus ou opacifiés ; ils seront selon toute probabilité rassemblés en dépôt archéologique et étudiés en laboratoire, mais il est à peu près certain que ce sera leur seule destinée désormais.

Verrière occidentale de la cathédrale de Nantes

Grande verrière de la façade occidentale : état avant l'incendie
(source : Nantes flamboyante, 2014)

 

Cl. Delaval

  Détails des panneaux de la verrière occidentale : à gauche, la reine Anne de Bretagne devant sa sainte patronne ;
au centre, Christ de la Fontaine de Vie ; à droite, la duchesse Marguerite de Foix devant sa sainte patronne
(clichés Alain Delaval)

 Le tombeau de François II et de Marguerite de Foix, remonté et installé dans le croisillon sud du transept en 1817, n’a subi, apparemment, aucun dommage ; toutefois, étant situé à moins de trois mètres de l’armoire électrique incendiée, il a pu subir de nombreux micro-impacts notamment sur les parties les plus exposées, c'est-à-dire la statue de la Justice, celle de la Prudence, les anges portant les coussins des gisants, et la face du tombeau regardant l’armoire ; il a pu aussi souffrir d’un échauffement important dommageable pour les marbres. Rappelons que le monument devait être démonté et mis en restauration à l’automne dernier et que cette opération avait été reportée à l’automne 2020.

VN52_002 - cathédrale tombeau de François II

 Le Tombeau des ducs de Bretagne dans la cathédrale (fonds SAHNLA)
Voir les autres photographies du Tombeau dans la photothèque :  Album VN 52   Album VN 53

 Le bilan de cet événement est très lourd pour le patrimoine monumental et pour l’histoire de l’Art. La perte du grand orgue, un instrument de grande dimension et dont l’architecture comme l’instrument musical couvraient quatre siècles de l’art organologique est totale ; son buffet venait d’être proposé au classement parmi les Monuments historiques 1. La destruction de la grande verrière de la façade est également une très grave perte pour l’histoire du vitrail ; cette immense verrière, réalisée dans les années 1500, développait un programme autour de la figure du Christ rédempteur versant Son Sang pour le rachat de l’humanité à travers une somptueuse vasque dorée qui donnait une idée de la richesse et de la qualité artistique qui devaient être celles de l’œuvre originale ; les deux lancettes latérales, représentant les donatrices présentées par leur sainte patronne, en l’occurrence la duchesse et reine Anne d’un côté et sa mère la duchesse mère Marguerite de Foix, étaient de précieux portraits officiels de deux princesses. Françoise Gatouillat a démontré la valeur de ces éléments subsistants de la verrière dans les actes du colloque « Nantes flamboyante » tenu en 2011 2. Enfin, le tableau d’Hippolyte Flandrin Saint Clair guérissant les aveugles (1836), œuvre majeure de l’iconographie religieuse du XIXe siècle de la cathédrale, n’existe plus que par la copie exécutée par le frère de l’artiste, Paul Flandrin, conservée au Louvre.

 On nous permettra, à l’occasion de cet événement dramatique, de poser sans ambages la question de la sécurité des œuvres de grande valeur artistique et historique conservées dans les églises. Les destructions ou dégradations graves subies par les œuvres dans un cas extrême comme celui de cet incendie ne doivent pas faire oublier les dégradations qu’elles peuvent subir à cause d’un entretien des lieux parfois inapproprié, les conditions atmosphériques ou physiques n’étant pas toujours compatibles avec leur bon état de conservation. L’écart entre les protocoles de conservation et de sécurité que s’imposent les musées, les trésors de cathédrales dont est responsable le service des Monuments historiques, et celui qui est laissé aux églises affectées au culte et ouvertes au public mériterait d’être examiné.

 22 juillet 2020

 

  NANTES cathedrale incendie 2020 dépose du pinacle du portail latéral de gauche fragilisé par la nacelle des SP (2)

 Dépose du pinacle du portail nord de la façade occidentale, fragilisé par la nacelle des sapeurs-pompiers
(cliché Alain Delaval, 18 juillet 2020)

 

  1. Voir la Chronique de la Conservation des antiquités et objets d'art de Loire-Atlantique publiée par Laurent Delpire dans le Bulletin de notre Société, au début de ce mois de juillet (p. 76-77).

  2. GATOUILLAT, Françoise, « Une grande commande de la reine Anne de Bretagne : la verrière occidentale de la cathédrale Saint-Pierre de Nantes », dans Nantes flamboyante (1380-1530), Nantes, Société archéologique et historique de Nantes et de la Loire-Atlantique, 2014, p. 155-167.

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